Par Christian Léger paru dans les Cahiers Percherons.
La seigneurie de la paroisse était attachée à la « mairie » du lieu (rencontré dans de nombreux actes, où il est fait mention de la Mérie, écrite encore Meyrie, ou Mairerie de Chatillon).
On sait que les maires, aux XIIe et XIIIe siècles, étaient des officiers ruraux chargés de gérer des juridictions administratives relevant des couvents ou chapitres et établies sur les terres appartenant aux églises. Les maires devinrent héréditaires comme les seigneurs l'étaient devenus. « Ils cumulaient tout à la fois les fonctions de juges de paix, de commissaires de police, d'intendants de gardes-champêtres et de collecteurs d'impôts ».
Le fief de la « Mairie » de Châtillon relevait du comté de Dunois à foi et hommage.
Geoffroy Le Vavasseur, chevalier, seigneur de la « Mairie » de Châtillon en 1500, descendait des plus anciennes familles dunoises qui devaient, pour la plupart, leur fortune aux services rendus à la maison comtale. Son père, Thomas Le Vavasseur, exerçait la charge « d'écuyer de cuisine du duc d'Orléans », dès 1447. Pas sa mère, Marie Bigot, Geoffroy se rattachait aux Le Cirier, mais surtout, en ligne collatérale, à la famille Estrivard, dont un membre figure dans une charte de l'abbaye de la Madeleine, l'an 1149, et qui selon Lucien Merlet, « joua le rôle le plus considérable, pendant plus de trois siècles, parmi les bourgeois de Châteaudun ».
Le 12 mai 1482, Geoffroy Le Vavasseur épousa Marie de Théligny, fille de Guillaume de Théligny, écuyer, maitre d'hôtel du comte de Dunois, seigneur de Lierville (à Verdes, Loir-et-Cher), et de la Touche-Hersant (à Lanneray), et de Marie de Cantiers.
Il reçut de sa cousine germaine, Denise Estrivard, dernière du nom, veuve sans enfant survivant de Jehan du Fresne, tous les grands biens des Estrivard que ladite Denise avait réunis entre ses mains par le jeu des successions : Eguilly (à Saint-Avit), le grand-Boismouchet (à Châtillon), le fief de Loisville, autrement dit « Lestrivarde », à Fontaine-Raoul (Loir-et-Cher), etc.
Geoffroy Le Vavasseur mourut le 23 mars 1504, vigile de Pâques ; il fut inhumé dans le sanctuaire de l'abbaye de la Madeleine de Châteaudun. Sa veuve, Marie de Théligny, lui survécut encore de nombreuses années ; le 20 mai 1509, on la voit acquérir la terre de Boutonvilliers, à Dangeau, sur Oudin Pelard, seigneur de Meslay et Bourgoing, à Lanneray.
En 1513, elle passait marché avec Evroult de Gaillon, peintre-verrier, pour la confection d'une verrière à l'église de la Madeleine. Enfin le 24 octobre 1542, Marie de Théligny, sans doute octogénaire, toujours qualifiée « dame d'Eguilly et de la Mairie de Châtillon », donnait procuration pour régir ses biens à Me Jehan Legendre, prêtre à Châtillon.
Geoffroy et Marie avaient eu 6 enfants :
1) François, probablement l'aîné, chevalier, seigneur d'Eguilly, Rouvray, du Breuil et de Saint-Maurice, conseiller et chambellan du roi, sénéchal de Rouergue en 1530 ;
2) Pierre, qui suit ;
3) Jehan, religieux à Coulomb ;
4) Geoffroy, protonotaire du Saint-Siège ;
5) Renée, mariée le 1er mai 1509 à Jehan d'Angerville, seigneur de Granville, fils de Claude et Marie Louvel ;
6) Marie, épouse en premières noces de Jacques de Courcillon, seigneur de Dangeau, et en secondes noces de François Thoreau, châtelain de Molitard.
Pierre Le Vavasseur, seigneur d'Eguilly, du Grand-Coudray, et de la « Mairie » de Châtillon, etc., chevalier de l'ordre du Roi, capitaine de cinquante hommes d'armes, lieutenant pour Sa Majesté en la ville de Chartres et Pays chartrain, fut le plus célèbre et le dernier des Le Vavasseur. Ses faits d'armes durant les premières guerres de Religion sont relatés tout au long par les chroniqueurs locaux.
M. d'Eguilly, « le bon gouverneur » comme on l'appelait, mourut à Chartres, le 15 novembre 1575, et le peuple lui fit des obsèques grandioses. Son corps fut enterré à saint-Avit, à l'exception de son cœur qui fut placé dans le sanctuaire de l'église de Châtillon, sous un monument funéraire dont les débris subsistent encore de nos jours. Sans doute doit-on à ce puissant personnage la construction du transept de l'église qui présente tous les caractères du style Renaissance. Il avait épousé, vers 1546, Françoise de Billy, fille de François de Billy, baron de Courville, et de Marie de Beaumanoir, dont une fille unique :
Jehanne Le Vavasseur, mariée le 26 septembre 1566, à Jehan de Vassé, dit Grognet, seigneur de Vassé et de Classé au Maine, baron de la Roche-Mabille, conseiller d'Etat, capitaine de cinquante hommes d'armes, fils d'Antoine de Vassé, gouverneur de Pignerol, et de Marguerite Hatry.
Lieutenant dans la compagnie de son père en 1561, puis capitaine en 1564, chef de cinquante lances du sieur d'Eguilly son beau-père (1571), il se trouva aux combats de Jazeneuil et de Montcontour, au siège de La Rochelle, fut grièvement blessé en défendant Saint-Damien, et servit Henri III en diverses occasions. Il fut créé chevalier de Saint-Michel en 1568, puis en 1579, lors de la fondation de l'Ordre du Saint-Esprit, le roi le comprit dans sa première promotion. Il succéda à Pierre Le Vavasseur dans sa charge de gouverneur de Chartres, en 1576, et fut la même année député de la noblesse aux états généraux du royaume convoqués à Blois. Il mourut le 24 juillet 1589, et fut enterré dans le chœur de l'église de Rouessé.
Jehanne Le Vavasseur, sa veuve, trépassa le 9 mai 1609, et fut inhumée le 11 mai à Saint-Avit, sous l'autel, du côté de l'évangile. Quarante-cinq hommes d'église suivirent son convoi, et l'aumône fut faite à trois mille cinq cent pauvres !
Ils laissèrent huit enfants, parmi lesquels :
1) Lancelot de Vassé, l'aîné, pourvu des seigneuries d'Eguilly et de Vassé ;
2) Charles de Vassé, seigneur de la Roche-Mabille ;
3) François de Vassé, qui suit.
François de Vassé, le cadet de sa maison, hérita entre autres de la « Mairie » de Châtillon, de la seigneurie du Breuil à Fontaine-Raoul, du fief d'Auvilliers à Ozoir-le-Breuil et du fief volant de Pruneville, proche Patay, de la succession de ses père et mère.
En 1626, il était ainsi qualifié : "chevalier de l'ordre du Roi, gentilhomme ordinaire de sa chambre, seigneur de Classé et Châtillon, du Grand-Coudray, du Grand Bois-Mouchet, du Breuil, d'Arclainville (à Nottonville), d'Auvilliers, du Mesnil-Foucher (à Dangeau) et de Dheury en partie, à Moléans".
C'est à ce personnage, pensons-nous, qu'il faut attribuer, sinon l'édification, du moins la transformation du château de Châtillon en une demeure spacieuse et confortable. Contraint, nous l'avons dit, comme cadet de famille, de délaisser à son frère aîné le riche domaine patrimonial d'Eguilly, demeure attitrée de ses ancêtres maternels depuis plus d'un siècle, François de Vassé se fixa à Châtillon, ainsi que l'attestent les registres paroissiaux et tous les actes notariés qu'il passa en ce lieu, où il est dit habiter « en son logis seigneurial ».
Aujourd'hui édifice en péril, l'ancien château à la sortie du bourg a conservé une tour d'angle et un vieux porche surmonté d'une cartouche (autrefois armorié), millésimé 1624. Seule leur vocation agricole a permis la préservation de ces bâtiments, et si l'on compare l'état actuel a celui montré par les cartes postales éditées vers 1900/1910, force est de constater que les réparations pour amener ces vestiges jusqu'à nous ont été réduites au strict minimum.
François de Vasé mourut l'an 1647. Il avait épousé, le 6 mai 1618, Renée de Couterne, fille de Claude de Couterne, écuyer, seigneur de la Barre (au Horps, Mayenne), et de Jeanne du Tremblay, sa première femme.
Renée de Couterne fut elle-même inhumée dans le chœur de l'église de Châtillon, le 23 janvier 1667, à l'âge de 72 ans. Nous devons à la munificence de cette dame le remarquable maître-autel à retable qui orne encore l'église, réalisé en 1664 par Raoul Montéan, sculpteur à Bellème.
Ces époux laissèrent huit enfants, baptisés à Châtillon, dont cinq survécurent :
1) René de Vassé, qui suit ;
2) François de Vassé, né en 1634 ;
3) Judith de Vassé, née en 1621, religieuse à la Patience de Laval ;
4) Anne de Vassé, née en 1626, mariée en 1645, à Martin de Loubes, baron de Saulce, en Soizé ;
5) Suzanne de Vassé, née en 1632, religieuse à Saint-Avit, paroisse de Saint-Denis-les-Ponts.
René de Vassé, baptisé le 23 octobre 1620, seigneur de Chatillon, par droit d'aînesse, après son père, en 1647, épousa en 1649, Isabelle Pidoux, fille de Jean Pidoux, seigneur de Rochefaton, terre située à Lhoumois dans les Deux-Sèvres, où les Vassé de cette branche transportèrent leur résidence. De sorte qu'après le décès de Mme de Vassé mère, née de Couterne, en 1667, le château de Châtillon perdit sa vocation de demeure seigneuriale au profit des régisseurs ou des fermiers généraux à qui le domaine fut loué par baux successifs. Cet état de chose causa sa ruine progressive.
René de Vassé, capitaine d'une compagnie de gens de pied dans le régiment de Castelnau, et Isabelle (alias Elisabeth) Pidoux, son épouse, eurent plusieurs enfants, parmi lesquels : René-Jean-Baptiste, qui suit, et Martin-Dominique, chevalier de Malte.
René-Jean-Baptiste de Vassé, né le 24 juin 1650, baptisé à Châtillon le 24 octobre suivant, « écuyer, seigneur de la Rochefaton, de Châtillon et de l'Hommois », testa le 9 juin 1704, en demandant « à être enterré avec les pauvres dans le cimetière de la paroisse de Saint-André-des-Arts (a Paris), et que son convoi se fasse le plus succinctement que faire se pourra, sans cérémonie, tenture, ni grosse sonnerie, qui ne servent de rien »...
Il épousa, en 1674, Marguerite Bernard, fille de Jacques Bernard, seigneur de Peaumidy en Bretagne, dont plusieurs enfants, parmi lesquels :
François-René de Vassé, chevalier, seigneur de la Rochefaton, de Châtillon et de Pont Midi, enseigne des vaisseaux du Roi, marié en 1708, avec Jeanne de Tudert, fille de Nicolas de Tudert, chevalier, seigneur de la Bournalière, en Cuon (Maine-et-Loire).
Le 28 mars 1737, il baillait à Me René Thenaisie, bailli de la châtellenie de Courtalain, et Jeanne Coquan, son épouse, « le revenu de la terre et seigneurie du château de Châtillon, la Mérie, le Grand Villars, le Grand Coudray, le Defoye, le Grand Bois-Mouchet et autres lieux annexés, même la seigneurie de la Tour de Chaulnes et la Coupe d'Or dans la ville de Châteaudun, se consistant dans ledit château et autres bâtiments, colombier, jardins, bois-taillis, garenne, étangs, prés, terres labourables et non labourables, avec droit de couper les bois tous les neufs ans, et de faire la pêche de l'étang de Villars au carême prochain, et d'y prendre les deux-tiers du poisson, le tout pour 2000 livres de ferme par an ».
A sa mort, ses biens passèrent à son fils, le suivant :Pierre-Urbain de Vassé, seigneur de la Rochefaton, Châtillon, etc., né le 1er septembre 1714 à Lhoumois, marié en 1747, à Anne-Marie de Tudert, sa cousine, capitaine de dragons et chevalier de Saint-Louis. Il obtint du roi, le 25 mai 1776, des lettres patentes afin « de rénover le terrier des droits seigneuriaux de Châtillon », précaution inutile et devenue caduque après l'abolition des privilèges par les députés de la Constituante. La terre de Châtillon, dépouillée de ses revenus féodaux, n'était alors plus un fief, mais un domaine foncier, avec pour tout profit les loyers des exploitations agricoles et la vente des coupes de bois...Un acte de 1798, portant saisie, la décrit ainsi :« .. le domaine de Châtillon, canton d'Arrou, composé de la maison principale, appelée la Mairie, de la métairie de la Basse-Cour, de celle du Grand-Villelard, de celle de la Trémelière, un étang de 36 arpents, 57 arpents de bois taillis, une petite futaie contenant un arpent et demi, et trois arpents de pré à Saint-Denis-Les-Ponts », estimés 72550 francs. Fiacre-Urbain de Vassé, officier aux gardes françaises et fils unique du précédent, émigra dès le début de la Révolution, en laissant à son père, presque octogénaire, retiré à Poitiers, le soin d'affronter les exigences de l'Administration. Un arrêté du département de la Vienne, daté du 2 messidor an VI, ordonna le partage de leur patrimoine avec la République : les métairies de Villelard et de la Trémelière, et les trois arpents de pré échurent à la Nation... Fiacre-Urbain de Vassé, rentré en France après la Tourmente, mourut le 25 septembre 1806, à la Rochefaton, à l'âge de 54 ans. Il avait épousé, en 1777, à Bauné (Maine et Loire), Marie-Louise-Charlotte-Pélagie Lefebvre de Laubrière, dont une fille unique :Marie-Elisabeth-Charlotte-Henriette-Julie de Vassé, mariée le 8 août 1797, à Charles de Beaumont, comte puis marquis d'Autichamp (1770-1859), célèbre héros vendéen, nommé général en chef des armées catholiques et royales en Anjou, à 26 ans, puis lieutenant général et pair de France sous la Restauration, etc. Condamné à mort par contumace, par arrêt de la cour d'assises d'Orléans, le 18 avril 1833 (après la tentative légitimiste de 1832), M. d'Autichamp dut se réfugier à Aix-la-Chapelle, déguisé en jardinier, pour échapper à sa peine. Et c'est à son retour d'exil, alors qu'il s'était constitué prisonnier, que son épouse, ou plutôt sa « veuve civile » (en termes juridiques !), se résolut à céder les restes du domaine de Châtillon, par acte passé le 20 octobre 1838, devant Me Bonnaire, notaire à Paris, au suivant : Pierre Charvin, propriétaire à Paris, acquéreur pour la somme de 90000 francs. Ainsi donc prenait fin une belle continuité généalogique sur une même terre pendant plus de trois siècles. Le 20 mars 1841, le notaire de Courtalain annonçait « la vente aux enchères des matériaux à provenir de la démolition d'un colombier et deux pavillons, situés dans la cour de la ferme du château de Châtillon ». La lente agonie du vieux manoir, quant à elle, ne faisait que se poursuivre !...